Réenchanter la politique 03/06/2021

Réenchanter la politique 03/06/2021

Il y a un an, jour pour jour, dans un billet de blog, publié aussi sur Facebook, je croyais pouvoir faire mes « adieux » à la politique, prendre ma « retraite » vis à vis de cette activité qui fut essentielle dans ma vie. Le pari était que j’avais suffisamment pour m’occuper, plus, pour donner un sens à mes jours. Pendant un certain nombre de mois, je me suis bercé d’illusions. J’ai pu faire illusions aussi, notamment sur mon journal Facebook. Grâce à mes amies poétesse notamment, on aurait pu croire que la poésie comblait mes journées. Heureusement mon travail sur le féminisme comblait un peu le vide sur les autres champs de la vie sociale et politique.
Seulement voilà, la pandémie en juin 2020 n’avait pas encore dévoilé sa force de destruction et de démoralisation. Par ailleurs les médias ne parlaient pas encore régulièrement de la présidentielle. Ces deux faits de nature très différentes jouent à mes yeux le rôle d’un puissant révélateur sur le champ social et politique. Je n’aperçois que des ruines et des attitudes suicidaires. Je ne peux pas me taire, je voudrais tant reprendre, une place, dans le combat pour réenchanter notre monde. Là est pour moi le rôle de la politique.

Quitte à paraître radoter aux yeux de ceux qui me lisent régulièrement, quand je parle de politique je parle de celle qui veut construire « la gauche », c’est à dire une majorité autour d’un projet contre le statut-quo, au service des dominés.

Réenchanter la politique ?


Est-ce que je rêve d’un retour en arrière ? Non. Non ce n’était pas mieux avant, pas tout le temps, mais quand même !… Nous avons pu rêver et parfois nous avons pris au sérieux nos rêves et commencé leurs réalisations. La politique à l’oeuvre, c’est quand les humains font leur Histoire. Pour m’en tenir à l’Histoire vue de France (mais pas franco-française, imbriquée dans l’Histoire mondiale), nous pouvons nous référer à des évènements, des périodes plus ou moins courtes, où la politique rassemblait les « dominés », portait leurs espoirs, les porter au pouvoir : bien-sûr il y a « la commune » que nous venons de commémorer, mais avant il nous faut partir de la Révolution de 1789. En 1948, au milieu de toutes les révoltes qui secouèrent les régimes absolutistes, en France fut proclamée une éphémère « république sociale » qui peut encore nous inspirer aujourd’hui, même si elle fut loin d’instaurer le suffrage universel comme on le lit parfois, en niant au moins la moitié de la population : les femmes. L’opprobre et le tombereau de mensonges que l’on déverse sur le beau mot de communisme (qui a si peu à voir avec l’URSS d’après 1924 et le goulag) obscurcit la compréhension de la grande Révolution de 1917 et ne  permet pas de comprendre son aura internationale (notamment en France et dans tout le tiers-monde). Ici je m’en tiendrais à rappeler la dimension féministe très concrète de cette Révolution. C’est aussi cette grande Révolution qui aimanta la lutte contre la guerre et permit le développement en Europe de forts partis communistes. Les dates que je vais égrener maintenant font notre histoire contemporaine, au moins encore pour ma génération (il en va sans doute pas de même pour mes enfants) : 1936, 1946, mai 1968…avril 1974. Si ce n’était pas mieux avant, nos rêves étaient plus beaux, plus grands et semblaient relever du possible. 

Retour sur un champ de ruine


Avec les conséquences de la pandémie, j’ai l’impression horriblement troublante que notre monde, à commencer par notre pays (cf- billet du 06/05) se transforme en sa caricature pour film dystopique. Chacun·e est dans sa bulle. Il y a les bulles qu’on ne choisit pas, celles ou sont enfermé·e·s les isolé·e·s, les oublié·e·s. Il y a la famille, élue valeur refuge, mais ce n’est pas une bonne nouvelle, parce qu’elle reste la famille patriarcale qui maintien la domination des femmes, l’infantilisation des ado et l’enfermement de tous… quand elle n’est pas le lieu de la violence. Hors de la famille il y a toutes les bulles des entre-soi. J’ai le sentiment d’un tissu social qui se distant, qui se troue de partout. J’ai toujours pensé qu’il ne fallait pas parler de dictature, voire de fascisation à la légère. Mais s’il est évident que nous ne sommes pas sous une dictature. Il est tout aussi évident que la remise en cause incessante du droit à manifester, complétée par un arsenal juridique en perpétuelle évolution et l’utilisation pour lutter contre la pandémie de méthodes répressives en lieu et place d’un appel à l’intelligence des gens ont fait prendre de mauvaises habitudes et renforcent la passivité de la population. Au début du confinement, on a mis en avant des gestes de solidarité. Avec le temps je n’ai pas l’impression que la valeur solidarité soit à la hausse. Dans la revue de presse du jour j’ai relevé ceci : « la crise du Covid a affecté notre sens du collectif », estime Ouest-France, je n’aurais pas dit mieux. Par ailleurs, il est bien trop tôt pour mesurer l’évolution de la pauvreté, tout comme celle de l’espérance de vie (selon que tu seras riche ou pauvre…), depuis le début de la pandémie. Une chose est sûre, dans notre pays le nombre des pauvres est à la hausse… tout comme celui des milliardaires.
Je veux reparler ici de la bataille pour un RMU, au début en reprenant comme référence pour le seuil de pauvreté, 50% du salaire médian, je croyais faire une concession au manque d’audace des responsables de l’Observatoire des inégalités, puisque l’UE, elle, le fixe à 60% du salaire médian. Je viens seulement de comprendre qu’en faisant passer de plus de 2 millions à plus de 8 million le nombre de pauvres dont on parle, on dilue l’objectif de combat contre la grande pauvreté, qu’il faut éradiquer maintenant. Au-dessus du seuil de grande pauvreté il faut poser poser les revendications sur la rémunération du travail, le statut des travailleurs, dont doit faire partie une assurance chômage digne de ce nom.

Pour faire face au délitement de notre pays, il faut rendre à la politique de gauche un sens réellement progressiste, émancipateur. Et il faut redonner à l’action politique « partisane » sa nécessité et sa « noblesse ».

Éthique, politique et idéal

La politique pour nous , ce doit être une question d’éthique et même, d’abord, de morale. Pour la distinction entre éthique et morale, je vous engage vivement à découvrir les livres d’Yvon Quiniou dont j’indique les références à la fin de ce billet.

En résumé l’éthique, c’est la vie et la morale, c’est la raison.

La morale, c’est la raison, c’est ce qui s’impose à tous, ce qui est universel, parce qu’il y a de l’universel. C’est ce qui rend possible la vie ensemble, la politique. La morale, c’est ce qui s’impose comme un « impératif catégorique », ce qui fonde en droit l’humanité. L’exemple le plus évident est le principe premier d’humanité, tu ne tueras pas ton semblable. Pourtant qu’il est long le chemin pour passer du droit théorique à son inscription dans les lois de toutes les nations, pour passer de la loi aux faits. En droit, du point de vue de la raison, le respect des autres « ne se discute pas », comme ne devrait pas se discuter la préservation de notre éco-système.

L’éthique, c’est le bonheur : la réflexion, le débat puis le choix  sur ce qui est le mieux pour soi et pour les autres. Le bonheur est une question individuelle, comme on dit « chacun voit midi à sa porte ». Le collectif et donc le politique, n’intervient que pour la construction des « conditions du libre développement de chacun » (Marx). Les révolutionnaires de 1789, et avant eux les philosophes, Rousseau (et autres) ont inventé la notion d’intérêt général. Nous nous devons de compléter cette notion de deux manières, dans deux directions différentes, mais pas opposées. Les révolutionnaires de 1917, et avant eux les fondateurs des partis ouvrier, Marx (et autres) ont mis en avant les intérêts de la classe ouvrière et des autres classes laborieuses. Mais ils ont eu à coeur d’expliquer que « ceux qui n’avaient à perdre que leur chaîne » devaient oeuvrer à l’abolition de l’exploitation des humains par d’autres humains. Avec la révolution de 1917 nous assistons à une tentative de passer de « l’intérêt général à l’intérieur du cadre national », à l’intérêt des travailleurs à l’échelle mondiale. La tâche des révolutionnaires du XXIème siècle sera de passer de l’intérêt de la seule classe ouvrière, à l’intérêt de tous les dominé·e·s, à commencer par celui des femmes, et à l’échelle planétaire : l’intérêt général humain. C’est aussi cette notion qui doit guider les luttes menées dans les cadres nationaux, c’est pourquoi nous devons nous battre pour faire évoluer la devise républicaine : Liberté Égalité Humanité.

Tout le chemin parcouru par les générations qui nous ont précédées, n’aurait pas pus être parcouru si elles n’avaient pas su imaginer l’idéal, fonder dans l’idéal une espérance tenace. L’idéal porte des noms différents selon les courants politiques, les époques, tour à tour ou en même temps la république, le socialisme, le communisme furent les grandes idées qui animèrent les esprits et les coeur. L’idéal à porter aussi d’autres noms anarchie, auto-gestion, que sais-je encore. L’utopie ce n’est pas ce qui est irréalisable, c’est « ce qui n’a pas de lieu » -étymologie-, simplement parce que ça n’a pas encore été réalisé. Après derrière les mots ce ne sont pas « des plans sur la comète » qu’il nous faut tirer, mais des pas concrets dans la bonne direction qu’il nous faut faire, avec détermination et ambition. Moi je ne connais pas de plus beau mot que communisme, pour moi il est synonyme de monde en commun et de libre associations. Mais il y a d’autres héritages qu’il me semble judicieux de faire fructifier, n’oublions pas que le préambule de la constitution de 1946 est toujours en vigueur et théoriquement source de droits, faisons donc de notre république une « république sociale », faisons fructifier l’héritage des révolutionnaires de 1848 et de la constitution de 1946

Démocratie et partis politiques

Les classes dominantes n’ont besoin ni de la démocratie, ni de partis politiques. Comme elles possèdent les moyens de production, elles ont tous les pouvoirs, notamment celui de produire l’idéologie dominante, je préfère dire « les idéologie dominantes »… cette pluralité si elle peut offrir des opportunités pour les diviser, contribue surtout à obscurcir sa perception par ceux qu’elle vise à maintenir soumis·es. En même temps qu’elles fabriquent de l’idéologie, elles forment aussi ses leader d’opinion, ses communicants et tous les valets dont elles ont besoin.

Pour les dominé·e·s, les deux, démocratie et partis sont des nécessités premières, les conditions indispensables pour entreprendre la lutte pour leur émancipation. Historiquement la démocratie, les partis politiques, sont des conquêtes ouvrières. En 1945, c’est un communiste qui a fait rajouter le droit de vote pour les femmes dans le projet de constitution. Les partis ouvriers, avec les organisations syndicales furent les « universités » des travailleurs et de travailleuses, ce sont eux qui permirent à la classe ouvrière de se dresser comme une force considérable, une alternative possible à la domination bourgeoise.

Ceux qui nous vantent « la politique, sans parti », la génération spontanée d’une relève populaire aux pouvoirs en place, nous vendent du vent. C’est la concession à cette mode qui est mon principale reproche à Mélenchon et à « sa » France Insoumise. Le choix de l’organisation « gazeuse » est le déni du problème que pose l’organisation de la démocratie et la formation de tous. Les mouvements informels diluent les voix de chacun·e et donnent plus de poids « aux grandes gueules », à ceux qui ont déjà des outils du pouvoir (formations, parcours personnels…). Nous avons besoins de partis qui soient nos écoles, nos lieux de découvertes de l’histoire des dominés, d’expression de nos besoins et d’élaboration de nos positions et programmes. Ce sont aussi des lieux qui doivent favoriser la prise de paroles par chacun et surtout chacune, qui doivent pour cela permettre, encourager des réunions non mixtes pour le femmes, les racisé·e·s et autres catégories dominées.

J’emploie toujours partis au pluriel, parce que de même que la gauche n’a pas l’ambition de devenir le tout, nous pensons qu’il y place à gauche pour plusieurs partis. Mais il faut veiller à ce qu’ils se construisent autour des grandes orientations et choix possibles et donc sans doute autour des grandes traditions. Pluralité de partis et droits de tendance en leur sein, ne doivent pas conduire à un éclatement façon puzzle comme ceux que nous avons connus dans les décennies précédentes.

Dans ma nouvelle vie de retraité, et de retour dans le sud, je n’ai pas trouvé ma place dans les organisations et regroupements existants. Je n’ai même pas trouvé où il y a discussion… Faut dire qu’être piéton, un peu handicapé et vieux sont des « limitations » de mes possibilités. Les confinements n’ont rien facilité. Mon besoin de politique s’exprime donc surtout dans mes écrits, bouteilles à la mer et tentatives de « reprise » du sens de mon existence. Ce qu’est déjà mon autobiographie toujours inachevée, je vais tenter d’en combler les trous dans les mois à venir. De même que je travaille à compléter ma suite de petits poèmes « De A à Z ».

Au-delà de ma situation personnelle, j’affirme que choisir son parti, participer à sa nécessaire transformation, à son développement est une tâche humaine aussi importante, aujourd’hui, que, par exemple, soigner l’hôpital public. Elles sont d’ailleurs intimement liées. La politique est une des plus nobles, des plus utiles et plus nécessaires activités humaines. Il faut vous en mêler, ne laissez pas faire les autres.

Bibliographie : livres autour de la morale d’Yvon Quiniou
– Études matérialistes sur la morale Kimé 2002
– L’ambition morale de la politique. Changer l’homme ? L’Harmattan 2010
– Nouvelles études matérialistes sur la morale. Kimé 2020