Je suis vieux et inutile. 01/04/2021

Je suis vieux et inutile. 1° avril 2021

(Ceci n’est pas un poisson d’avril)

Cette affirmation, quasi tautologique, énonce une réalité à la fois objective et ressentie en ce qui me concerne. En écrivant cela je ne me dévalorise pas, j’énonce deux faits. Je crois que cette réalité est celle de tous·tes quand vient un « certain » âge, le ressenti diffère d’une personne à une autre.

Je crois que la montée en âge, va de paire avec la « montée » de l’inutilité et de son ressenti pour beaucoup d’entre nous. Les facteurs principaux de l’inutilité social des vieux sont : la fin de l’activité professionnelle et donc la dissolution des collectifs liés au travail, la dégradation de la santé, l’éclatement des familles et de plus en plus souvent de sa cellule de base le couple, la prégnance de l’idéologie jeuniste et de l’âgisme dans nos sociétés, enfin la montée de la pauvreté des vieux. Ce dernier facteur, la pauvreté, est un véritable retournement de situation : schématiquement de 1945 avec la création de la Sécurité sociale à 1986 il y avait « consensus » politique pour améliorer la situation des vieux, à partir de 1986/1993 avec Balladur ministre de l’économie puis législateur et 1er ministre, les vieux deviennent le danger qui pèse sur l’économie nationale, un coût insupportable… d’après « nos » libéraux  « de tous les pays ». Bien sûr la datation est propre à la France et ma compréhension du phénomène ne va pas au-delà des pays de « l’occident », même si je soupçonne une universalité du « problème » de l’allongement de la vieillesse et de ses conséquences pour l’existence des vieux.

Il est nécessaire plus que jamais d’opposer notre conception de l’utilité, à celle mise en avant par le Capital et tous ses serviteurs. Pour nous, travailleurs et travailleuses, humains ordinaires, est utile ce qui permet le libre développement de chacun. Dans cette conception ce qui est le plus utile à chaque humains ce sont les autre humains, les inter-actions humaines. Ces inter-actions sont aussi ce qui permet de produire ce dont nous avons humainement besoin, du pain et des roses.

Pour le Capital est utile ce qui permet l’agrandissement du Capital et l’enrichissement de ses propriétaires, ainsi que de ses « hauts » serviteurs, qui ne sont pas les producteurs eux-même. Peu importe l’utilité humaine des produits du travail, le gaspillage, l’épuisement des ressources de la planète et des hommes dans le travail. Cette recherche du profit crée depuis toujours cycliquement de humains « surnuméraires » donc inutiles : les chômeurs. C’est aussi la recherche du profit qui exige le maintien d’une exploitation « gratuite » sous la forme du travail ménager, qui « invisibilise » une partie essentielle du travail féminin, comme la participation des vieux à la vie de la société.

Le drame de la vieillesse est la conjonction de l’inutilité du point de vue du Capital et de celle de l’inutilité proprement humaine, ressentie et/ou réelle due à la difficulté à trouver sa place dans l’organisation de la société « moderne ».

Pourquoi ce 1er avril 2021 vous parler encore de ça, puisque tout le 2e livre de mon autobiographie a comme sous-titre « La cause des vieux » et, plus particulièrement son troisième chapitre s’intitule « Les retraités : oubliés et inutiles » ? D’abord parce que la crise sanitaire fait la démonstration dramatique de la gravité de l’oubli des vieux et met en lumière de façon tout aussi dramatique l’âgisme qui oppose les existences de vieux à celles des jeunes. 

Plus « égotistement » parce que relisant la scène de ma vie qui ouvre ce chapitre je lis :  « Ce matin, 29 août 2017, je me suis encore réveillé très tôt, un peu avant 5 heures du matin, et la « machine à réfléchir » qui tourne sous mon crâne s’est mise en route tout de suite à plein régime et avec une précision implacable… », certes ce passage se terminait sur l’anxiété, la peur liée à la solitude nouvelle, mais le cerveau fonctionnait. Aujourd’hui, alors même que je suis moins isolé, plus au soleil, et plutôt en meilleure forme qu’il y a quatre ans, j’ai l’impression que mon cerveau est « confiné », qu’il marche au ralenti. C’est grave docteur ? Oui ça peut devenir très grave, parce que l’humain a besoin de faire bouger son cerveau plus encore que ses jambes. Alors pour lutter contre l’endormissement intellectuel, la lecture ne suffit plus, d’ailleurs les séries télévisées (par ailleurs excellentes) vont la remplacer inexorablement si je ne réagis pas.

J’ai donc pris quelques décisions, la première, qui englobe toutes les autre, est de décréter que le 1er avril sera dorénavant la date d’ouverture de mon auto-université. Pour cette 1ère année j’ai commencé à élaborer son programme, son emploi du temps. Puisque j’en serai son seul élève j’ai déjà disposé sur mon bureau les livres à étudier. Parallèlement j’ai fixé des échéances pour rendre des « devoirs écrits », ce sera le 1er et le 3e jeudi de chaque mois, ils prendront la forme d’un billet de blog publié le même jour aussi sur mon journal Facebook. Ces billets porteront cette année, tour à tour ou en même temps, selon l’avancée de mes réflexions et aussi, selon mon humeur sur :
– la cause des vieux
– le droit à un revenu minimum
– le fondement moral de la politique
– les leçons de ma vie
  (essai d’intégration des constats féministes…
  et de finir la rédaction de mon autobiographie).
J’espère que ce choix me permettra de combattre un profond sentiment d’inutilité de ma vie, en entretenant mes ressources intellectuelles, ma curiosité, mon envie d’apprendre… ainsi qu’un lien précieux avec quelques lecteurs.