Par le pouvoir de Facebook…
Martigues le 24 janvier 2019
J’ai aujourd’hui 220 amis ! Oui, oui, je vous le jure, cherchez pas votre loupe, c’est marqué là sur ma page. Au début je m’en suis servi pour retrouver quelques copains perdus de vue depuis longtemps dans la région où je revenais, puis j’ai découvert que ça permettait de garder le contact avec quelques un dans la région d’où je viens. Enfin il y avait mes enfants éparpillés en France et même une au Canada, deux soeurs, deux « ex »… j’avais atteint la trentaine d’amis. L’occasion de retisser quelques liens, parfois contradictoires. Hommage à ma fille aînée, et à moi-même pour avoir tenter le débat par-dessus des divergences importantes de point de vue. Je comptais en rester là, d’autant plus que, en me laissant absorber par l’actualité, je commençais à prendre peur quant au temps passé devant mon écran. Je n’avais encore rien vu. J’ai commencé en octobre, c’était avant les « Gilets jaunes ». Mes amis, plutôt branchés à gauche bien sûr, partageaient avec moi sur 100 sujets différents. Avec le déclenchement de la « révolution » des Gilets jaunes nos intérêts se sont regroupés sur ce mouvement et son environnement, sans rien ôter à la diversité des sources et points de vue. Facebook devenait pour moi un supplice pire que celui qui me prend souvent dans une libraire, quand j’ai envie de tout acheter, ou maintenant à la magnifique médiathèque de Martigues quand il me faudrait aller chercher mon caddie pour ramener tous les livres que j’ai envie de feuilleter à loisirs. Le problème c’est que si l’on peut sortir précipitamment d’une librairie, l’ordinateur reste désespérément sur le bureau ou sur la table d’à côté, et en plus il sonne à chaque notification, alors (il faudrait que je la désactive), on y revient sans cesse. Commentaire, après commentaire, partage après partage des contacts se prennent, des affinités de point de vue aussi. Au début on est surtout venu me chercher et je disais oui. Après j’ai sollicité les liens. Un jour j’ai pris conscience, qu’à deux trois exceptions, notables, près, je me faisais un cercle d’amis masculins. J’ai privilégié, sollicité les invitations féminines. A chaque seuil imaginaire, je me disais j’arrête là, à 100 je stoppe, non à 150, maintenant les 200 dépassés je ne vois plus de limite à l’horizon. Pourtant je vois bien qu’il y a déjà un problème pour suivre, pour garder le contact. Je me dis bien que je pourrais me débarrasser de quelques radoteurs ou donneurs de leçons, mais je n’ai pas envie de m’en faire des ennemis. Le cercle de mes amis est politiquement assez homogène, à l’exception de quelques membres de ma famille et… d’une dame atypique dont la fréquentation par écrans interposés m’enrichit. Je touche là un deuxième problème avec Facebook, le premier vous l’avez compris, c’est son côté chronophage et sans doute vite addictif. Le deuxième problème, c’est sa contribution à la création de nouveaux « entre-sois « Même, et sans doute surtout en élargissant les cercles, on se regroupe entre gens qui pense la même chose. Mes motivations pour entrer dans l’univers Facebook étaient liées à mon déménagement et à mon blog, pour le partager dans ma nouvelle région. Cela est en place, il faut que je freine. Il est passé le vertige qui me prenait, les premiers temps, devant l’infinité des possibles et l’éparpillement qui me semblait inéluctable. Ce vertige, disparu, ne m’incite plus à sortir du cercle infernal.
Il me faut compter sur ma volonté, et mes désirs, sans lesquels elle ne serait rien, pour ne pas laisser Facebook manger mon emploi du temps.
Par le pouvoir du temps libéré…
le temps de la retraite, après un temps de total désarroi, m’est apparu comme du temps libéré. Une réflexion, facilitée par le travail de l’UCR CGT et plus particulièrement de son USR 70, m’a permis de ne plus confondre le temps de la retraite, avec celui des loisirs, du repos. J’ai toujours su qu’il n’y avait pas loin des vacances au vide, l’étymologie du mot le dit. Comprendre le temps de la retraite comme un temps libéré, libéré de la subordination à un employeur, libéré du temps contraint, passe par la perception de la pension, comme un salaire maintenu, une utilité pour la société reconnue par l’existence de ce salaire, encore faut-il qu’il soit suffisant. Je suis libre de choisir la manière dont je peux me rendre « utile », humainement utile, non pas compétitif et aux ordres. Encore faut-il que j’aie acquis, ou que j’acquière les moyens d’oeuvrer selon mon choix. Poser comme cela, nous percevons immédiatement, que le problème majeur pour les vieux est de conquérir un droit à formation, jusqu’à la fin de la vie.
Bon, c’est bien joli ce développement sur le temps libéré et son utilisation, quel lien avec Facebook ? J’avais une très mauvaise opinion de ce « réseau social », pour moi, en gros, il faisait partie de ces « trucs » qui rivent mes congénères, particulièrement les jeunes, à leurs téléphones, on dit smartphones, maintenant. Comme souvent, j’ai failli basculer d’un excès, dans l’excès inverse. Si je ne me retenais pas, la mise en garde, voire la dénonciation que j’envisageais il y a à peine 3 mois de rédiger se transformerait en panégyrique. Heureusement, ma réflexion, mes liens militants et amicaux me font percevoir le danger que fait peser sur mon emploi du temps cet outil fantastique. Un outil doit rester un outil, je crois que j’indique là une piste essentielle pour notre travail d’émancipation. Tout au long de la vie « d’adulte », pour la grande majorité des humains, une des formes essentielles que prend la domination sur nous, est celle d’un emploi du temps contraint. Pour nous qui avons la chance de pouvoir devenir vieux d’une part, d’autre part d’avoir un salaire maintenu, il nous faut bien peser la responsabilité que nous avons au travers du choix de notre emploi du temps.
Soeurs et frères, qui comme moi avec l’âge, rencontrez plus souvent que choisi la solitude, et les questions sur le temps qui passe et son usage : je vous dis, comme je me le dis : ne remplaçons pas les livres par les écrans ; ne remplaçons pas la rencontre des humains « en chair, en os », par l’unique et attrayante, peut-être, parce que facile, compagnie des amitiés que l’on croise sur les réseaux que l’on dit sociaux, mais qui ne sont que virtuels. Même si, toi comme moi, n’avons rien de virtuel, quand nous nous mettons sur notre page ou dans notre commentaire. Restons maître de notre temps, tout en continuant à engager notre être quand nous empruntons les chemins du réseau.
Par le pouvoir d’un mot…
« Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté » Paul Eluard
Merci !
Nos rédacteurs sont prévenus.