T’as voulu voir Vesoul…
Vesoul, la Sécu et moi.
Vesoul le 16 septembre 2018
Eh! oui, j’ai voulu voir Vesoul. Mais je ne voulais que passer et continuer ma route au sein de la Sécurité sociale, raté. Après la défaite, la retraite et le divorce, après l’alcool… j’ai voulu aimer Vesoul, c’était trop tard. Je fuis et je me retourne vers l’ « à venir ». Je m’en vais dans une « Île » entre Étang de Berre et Mer Méditerranée, entre passé et avenir, je déménage le 22 à Martigues. L’île, c’est le nom d’un quartier, mais c’est aussi une île, une vraie, j’irais faire mes courses en bateau !
Retour sur une défaite.
Mon histoire au sein de la Sécu, s’est arrêtée là, à Vesoul. Quand je parle de défaite, elle est loin de n’être que personnelle. C’est au sein de la Caf de Vesoul que j’ai vécu la destruction de cette belle conquête des travailleurs. Les péripéties et la souffrance de mon aventure personnelle s’inscrivent pleinement dans la contre-révolution libérale que nous vivons depuis de trop nombreuses années. Pour l’histoire de la Sécu il faut retenir la date de 1995, à l’issue de grandes grèves la Réforme Juppé entérinait la prise de pouvoir de l’État et de l’argent sur notre Sécu, en prolongeant les ordonnances de 1967, le grand oubli des négociations de Grenelle en 1968. Pour tous ceux à qui tout cela ne parle pas, ou peu, je leur dis qu’il faut étudier cette histoire de près, de la Révolution que fut la création de la Sécu en 1945, à cette contre-révolution dont je parle ci-dessus. Il n’y a pas exagération dans les mots. J’ai autrefois confondu Révolution et prise du pouvoir étatique, même si nous devons toujours avoir comme objectif de le prendre ce pouvoir. Pierre Laroque, un des artisans de cette révolution avait tellement raison de dire : « C’est une révolution que nous voulons faire et c’est une révolution que nous ferons. ». Cette Révolution, il lui fixait, avec d’autres (la CGT, les communistes…), un double objectif : débarrasser les travailleurs de la peur du lendemain, construire une Sécurité sociale gérée par « les intéressés eux-mêmes ». Après coup, il déclarait que le premier objectif avait été atteint, mais que les fondateurs avaient échoué en grande partie sur le second. Je pense que ce constat était exact. Si la Sécu n’avait pas été progressivement écartée de ces principes initiaux elle aurait réellement et pleinement fait disparaître la misère, ce qu’elle avait en grande partie réalisé au début des années 80. Sur le second, la démocratie sociale, les conseils d’administration sont passés assez tôt sous la coupe des organisations patronales, n’ont jamais pris leurs responsabilités pour fixer les taux de cotisation, ne sont plus élus… et ne sont plus des conseils d’administration. La contre-révolution, à l’oeuvre contre la gestion par les travailleurs, est « en marche », la couverture des risques se rétrécit très dangereusement. Il y aurait tant à dire ! J’y reviendrai souvent sur ce blog.
Retour sur ma vie.
Je m’étais mis au clavier pour vous parler de mon départ vers le sud, peut-être aussi de Vesoul, et voilà que je vous parle de la Sécu. Obligé, ma vie, c’est près de 40 ans au service de cette « Institution » voulue, construite par les représentants et défenseurs des travailleurs. Et depuis 5 ans que je suis à la « retraite », ce sont cinq années d’attaques contre notre droit à bien vivre quand nous sommes enfin libérés de la subordination à un employeur. Il y a tant à faire à Vesoul, comme ailleurs, pour défendre les droits des « vieux travailleurs » et la Sécu. Vous ne trouvez pas que « vieux travailleurs » ça a quand même une autre gueule que « retraités », à condition de ne pas être honteux de prendre de l’âge, nous ne voulons pas nous retirer, nous voulons prendre toute notre part à la vie de la société.
Mais pour moi Vesoul est devenu trop triste. J’ai voulu aimer Vesoul, et j’ai quitté Vesoul. Je vais aller me battre ailleurs. À Martigues, la Sécu où j’ai travaillé n’a pas bougé de place, ni l’UL CGT, la Caf est au bout de ma rue, la maison des associations aussi, en face de l’autre côté du canal Saint-Sébastien il y a la médiathèque… tout est en place pour continuer le combat, c’est ça la vie… et la mer aussi, et les mouettes (les gabians dit-on à Martigues) et vous mes ami•e•s d’ici et de là-bas.
Merci !
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