« Nous avons le temps »
suivi de
« Une bibliothèque à soi » 31/10/2019
Certains soi-disant philosophes ou autres vendeurs de recettes pour « mieux vivre » vont répétant tantôt « Vis ce jour comme si c’était le dernier », tantôt « Cueilles le jour présent sans te soucier du lendemain ». Je ne sais si ce sont les mêmes, je n’ai pas trop porté attention à ces vendeurs, je les crois capables de dire les deux tour à tour, ou en même temps. Ces injonctions sont pourtant contradictoires, comme moi, je pense que pour bien profiter de votre journée, vous préférez la savoir suivie d’autres. Quant à vivre chaque journée comme si c’était la dernière, voilà une manière bien funèbre de se projeter dans la vie. Je ne sais pas vous, mais je ne suis pas pressé d’être à mon dernier jour, possible d’ailleurs que je ne sois pas prévenu, aussi que je ne sois pas du tout en état d’en profiter, ou alors prévenu bien trop à l’avance et que je galère trop longtemps. Je voudrais bien choisir le jour, mais je crois bien qu’on l’interdit, sauf si j’ai de l’argent pour un voyage à l’étranger.
Bon, moi je m’accommode autrement de mon temps de vie. Je me dis que j’ai encore du temps devant moi et que je me soucierai toujours du/des lendemains. J’ai des enfants, des petits enfants… et pleins de soeurs et frères humains qui me survivront, comment oserais-je ne pas me soucier des lendemains.
De plus, tous ces débats pour savoir s’il faut se délester du passé, ou de l’avenir n’ont aucun sens. L’humain est cet animal doté d’une incroyable mémoire et d’une imagination tout aussi surprenante. Notre présent est un mélange de nos souvenirs revisités, remaniés et de nos lendemains imaginés et rebâtis sans cesse.
Les humains sont les seuls qui disposent de tout ce temps, alors vivons le pleinement et faisons-en tout ce que nous pouvons.
« Une bibliothèque à soi »
Bien-sûr ce titre fait écho au titre du beau livre de Virginia Wolf. De même que « la chambre à soi » est une nécessité pour l’émancipation de la femme, je crois que disposer de livres à soi, rangés sur des étagères selon notre bon vouloir est une nécessité pour accéder au plein développement de nos capacités.
Je me suis fait opérer de la cataracte aux deux yeux. Je comprends seulement maintenant pourquoi, petit à petit, il m’était devenu si difficile de travailler. Ce ne sont pas seulement des livres que je ne trouvais plus, mais c’est tout un pan de ma mémoire qui devenait difficile d’accès.
Pour mon dernier déménagement j’ai du donner la moitié de ma bibliothèque. J’ai essayé de choisir ceux vers qui je ne reviendrai pas, les non indispensables, ceux qui me manqueraient le moins. Malgré le soin apporté au tri, il n’a fallu que peu de temps pour que je cherche vainement ce livre que je n’aurai jamais dû donner, celui-là où j’aurais pu retrouver cet exemple, cette citation, cette idée dont j’ai besoin, là, maintenant, tout de suite. Avec la baisse de ma vue, c’est la flânerie si agréable au milieu de mes trésors, la recherche si importante pour un travail en cours ou projeté qui étaient devenues difficiles. Avec le « miracle » de l’opération de la cataracte, mes livres me sont rendus, mon cerveau est à nouveau nourri de mes flâneries et recherches. Je revis.
Je souhaite à chacun de pouvoir connaître ce bonheur. Il est incomparables avec ceux réels qu’on peut trouver dans une bibliothèque publique, dans une libraire… ou dans une recherche sur internet. Ils sont là, chaque jour, à portée de la main, du réveil, au coucher, on peut les feuilleter, les semer de la table de nuit, au WC, jusqu’a la table de travail, sans oublier celle où l’on mange. On peut attaquer un nouveau rangement à n’importe quel moment, déplacer des livres sans cesse. Redécouvrir celui qu’on a lu, ouvert cent fois, puis oublié, ou celui qu’on a ouvert que le jour de l’achat puis oublié bien rangé à une place choisie dans l’instant, dont la logique s’est perdue dans les méandres de nos réflexions, mais dont la lecture est si urgente, ou si fondamentale… sous peu. Mais il y a tant à lire, tant à découvrir.
Vive les livres ! Vive la bibliothèque à soi !
Post-scriptum : peut-être qu’un jour la bibliothèque numérique tentera de remplacer les étagères, mais je ne suis pas sûr qu’elle puisse remplacer le plaisir de voir les livres autour de soi, offert à nos regards comme aux regards des personnes qui nous font l’honneur de nous rendre visite, prêts à être touchés, caressés, admirés (Les couvertures des livre de poche des années 1970 ont grandement contribué à développer ma curiosité et mon envie de lire).
Merci !
Nos rédacteurs sont prévenus.