LE MOMENT FÉMINISTE DE L’HISTOIRE HUMAINE
29/06/202O
suivi de : Le moment féministe dans ma petite histoire personnelle
L’irruption des femmes et du féminisme sur le devant de la scène politique
Tout, à mes yeux, laisse à penser que l’histoire humaine entre dans un moment qui peut changer radicalement son cours. Contrairement à ce que peut laisser penser l‘invisibilisation des femmes dans les manuels d’histoire, dans les récits dominants, comme dans toutes les formes de commémoration, les femmes ont depuis toujours agi dans l’histoire de l’humanité. Il n’empêche que les formes d’organisation des sociétés humaines ont débouché sur une modernité qui les exclue très largement des lieux de pouvoir, du « grand récit » qui structure cette modernité. Je pense que les progrès obtenus par les luttes féministes en matière de droit, ont eu comme contrepartie de rendre encore plus invisible l’oppression, l’exploitation, la minoration de la moitié de l’humanité. Il serait stupide de ne pas prendre acte des victoires remportées par les luttes féministes, tout autant d’imaginer que la lutte pour l’égalité serait aboutie.
La nouvelle vague féministe (on parle de 3° vague après le mouvement des « suffragettes » et celui des années 70), ne porte pas seulement sur l’effectivité des droits, c’est d’abord l’affirmation des femmes avec leurs corps, le refus radical de l’invisibilité. Le mouvement des Femen qui font de leurs corps nus le support de leurs revendications en est le symbole. Le mouvement autour du # MeToo en est l’expression la plus massive. Il est intéressant de faire l’historique de ce mouvement. Ce # est apparu pour la première fois en 2007 à l’initiative d’une travailleuse sociale à Harlem, Tarana Burk, pour développer la solidarité autour de mineures défavorisées victimes d’agressions sexuelles. Repris 10 ans plus tard, en octobre 2017, par Alyssa Milano à la suite de « l’affaire Weinsten », très rapidement des dizaine de milliers de femmes s’en emparent et il fait bientôt le tour du monde, on parle de 85 pays, souvent avec des variantes locales comme le #balancetonporc en France.
Le tableau serait très incomplet si on ne mentionnait le succès immense de la marche contre Trump, au lendemain de son investiture, en janvier 2017. Le mouvement ne s’est pas cantonné aux USA, il connut aussi un succès mondial. Les années 2017, 18 et 19 furent marquées par de fortes mobilisations de rue des féministes, spectaculaires en Argentine, en Irlande, en Pologne… pour défendre le droit à l’avortement, dans les mêmes pays à l’occasion du 8 Mars, mais aussi en Espagne, en Italie, en Suisse, en France… . À chaque fois les femmes savent inventer des formes originales et visibles, les foulards verts argentins, les marées violettes espagnoles ou italiennes. Ce sont les Chiliennes qui vont se montrer les plus inventives. Le groupe Las Tesis invente une chorégraphie sur une chanson dont les paroles contre le viol, le rôle de l’État et des institutions, de la police (une partie des paroles parodie un hymne de la police Chilienne). Cette chanson, et sa chorégraphie est reprise dans le monde entier. Elle connaît un succès significatif du vent qui souffle contre la domination masculine et l’oppression des femmes.
Pour conclure le rapide tableau de la manière dont le corps des femmes, les revendication féministes ont envahi la scène politique mondiale, je voudrais souligner que le refus de la violence masculine est une vague qui rend visible toute l’horreur qui subsiste dans la sphère privée, qui reste le lieu d’une domination masculine souvent niée. Dans plusieurs pays le décompte macabre (bien que toujours sous estimé) des féminicides fut l’outil d’un prise de conscience de l’inacceptable. Il y a une continuité entre le machisme ordinaires et les violeurs. C’est le « virilisme » qui tue dans la famille, qui infériorise les femmes et qui trouve son débouché dans un monde guerrier, qu’il faut défaire.
La lutte des femmes pour une égalité réelle a aussi pris la forme de grève des femmes, notamment sur le temps de travail. Certaines de ces grèves furent d’importants succès : Suisse, Espagne… une grève était en préparation en France quand le Corona a tout stoppé.
Une « révolution » est à l’oeuvre avec cette nouvelle vague féministe, qui porte l’exigence d’un égalité réalisée, de la fin de la sexuation des droits et pouvoirs.
L’importance et l’autonomie des femmes dans les mobilisations générales politiques et sociales
Si l’on quitte le terrain proprement dit des mobilisations féministes, on retrouve les femmes dans les différents mouvements politiques et sociaux des années 2018/2019.
À commencer par la France, où elles furent nombreuses dans le mouvement des gilets jaunes. Les revendications de la France des précaires furent surtout portées par elles. Très présentes sur les ronds points, dans les coordinations elle jouèrent un rôle majeur pour donner à ce mouvement sa portée et son originalité. Du début à la fin, des femmes se sont imposées dans de rôles de leader. Réflexion personnelle qu’il faudrait conforter ou confronter avec d’autres avis, il me semble qu’elle jouèrent un rôle important pour éviter à la fois les dérives fascisantes ou, je ne mets pas cela sur le même plan, violentes.
Plus importante et spectaculaire encore fut la place des femmes dans les mobilisations au Maghreb et au Moyen-Orient. En Algérie elles ont su dès le début assurer la visibilité et la sécurité du carré féminin contre les intégristes. Puis elles ont pris toute leur place dans le combat politique commun, en affirmant leur propres revendications, à commencer par le droit d’exister dans la mobilisation. Au Liban elles ont joué un rôle éminent pour rendre le mouvement massif, joyeux, uni. Bien-sûr on ne saurait oublier les femmes Kurdes, qui après avoir chasser Daech, doivent faire face à la Turquie avec la complicité des russes et des puissances occidentales.
En Amérique du Sud, les femmes ont aussi pris toute leur place dans la vague de révoltes sociales et politiques. Si cela fut surtout visible pour le Chili, cela se retrouva partout.
Plus près de nous dans le temps, même si cela a commencé plus d’un an avant le confinement, et géographiquement, sur tout le territoire français une tenace mobilisation des personnels des hôpitaux, à plus de 80% féminin, combat la politique d’austérité et de privatisation du gouvernement. Grèves, pourtant tellement difficiles pour des travailleuses qui doivent assurer la continuité du service de soins. Rassemblements en dehors du temps de travail, alors qu’elles doivent aussi, si souvent, assurer la continuité de la charge de travail domestique et liée aux enfants… Pendant une année elles ont lutté se faisant entendre des autres travailleurs, des élus de gauche… mais pas du ministère, ni du président.
Pourtant elles (et ils, très minoritaires, surtout présents chez les médecins urgentistes) ont enchaîné avec une lutte au combien difficile contre le coronavirus, malgré la pénurie de moyens, malgré la fatigue. Là, le président de la République a semblé se rappeler de leur existence, ainsi que de celle de tous/toutes les travailleurs, travailleuses en première ligne. Au-delà des personnels soignants, il faut aussi prendre conscience que les personnels de nettoyage des hôpitaux, mais aussi des bureaux, des usines sont également à plus de 80% des femmes. Mais cette reconnaissance verbale d’un soir, d’un discours, n’est suivi à ce jour d’aucune mesure structurelle, ni même « sérieuse ». Alors elles sont reparties dans la lutte.
Après le « moment » féministe, le moment antiraciste ?
Le coronavirus, puis la déferlante internationales contre le racisme et les violences policière ont-ils suffi à effacer la place des mobilisations féministes ? En va-t-il des luttes internationales comme du zapping médiatique ? Je ne le pense pas un instant. D’abord les militantes féministes ont su rappeler les victimes femmes et le moindre écho de leurs morts. Surtout elles ont su prendre toute leur place dans les mobilisations qui ont suivies la mort de Georges Floyd. En France, comme souligné par une autre femme Christiane Taubira, Adama Traoré a su devenir la leader charismatique de la révolte des opprimé·e·s et racisé·e·s des quartiers populaires. Partout les femmes sont en pointe dans les mobilisations antiracistes, comme l’illustre la belle 1re page de l’Huma.
En guise de conclusion provisoire :
Loin de s’annuler les mobilisations contre les dominations se surajoutent, se renforcent et tout me laisse à penser que si une nouvelle page de l’émancipation humaines peut s’écrire, nous la devrons d’abord aux luttes des femmes et des organisations féministes. Dans une autre rubrique de ce site je me laisse aller à avancer thèses et une hypothèse sur ce thème (voir Thèses de JJA).
LE MOMENT FÉMINISTE DANS MA PETITE HISTOIRE PERSONNELLE
Un divorce en 2014, suivi d’une crise existentielle importante qui m’amena à un quasi suicide à force d’abus d’alcool, la volonté de tirer au claire ma vie, la rencontre au sein de la CGT retraité de haute-Saône de deux militantes extra ordinaires m’ont conduit pendant et après mes soins pour mon addiction à une véritable cure de lectures « féminines » et féministes de 2O16 à aujourd’hui. J’ai commencé par avaler romans et autres témoignages, je ne citerais que les trois autrices les plus marquantes dans mon histoire : les deux soeurs Groult et Nancy Huston. De cette dernière j’ai aussi lus les autres écrits, qui sont passionants et passionnés, parfois je ne la suis pas, mais peu importe elle fait réfléchir. J’aime particulièrement la manière dont elle met en exergue la gravité du mal qui touche les mâles, qui fait non seulement le malheur des femmes avec le torrent de violence qu’ils déversent sur elles, mais aussi le leur, et celui de l’humanité qu’ils dirigent selon les principes guerriers de l’idéologie viriliste. Les soeurs Groult ont surtout l’immense mérite de parler de leur vécu et de permettre ainsi à chacun d’examiner en miroir le sien. Si j’ai commencé avant, notamment en découvrant Eva Illouz, ce n’est qu’en 2020 que je me suis mis à étudié le mouvement féministe du point de vue de ses théoriciennes et des sciences humaines. La aussi je ne citerai que les principales autrices, du point de vue de leurs influences sur ma réflexion : Christine Delphy, Geneviève Fraisse, les travaux publiés par Actuel Marx notamment Annie Bidet-Mordrel et Danièle Kergoat, je fini en ce moment La révolution du féminin de Camille Froidevaux-Metterie… dont la conclusion me laisse, utilement, perplexe.
Un ami proche m’a questionné sur la possibilité qu’un sentiment de culpabilité puisse expliquer mon intérêt, voir l’obsession, pour la domination masculine. Culpabilité ne me semble pas le mot juste, mais c’est sûr qu’il y a une volonté d’auto-analyse, de compréhension de mes échecs amoureux, de ma propre participation à un système qui organise la domination des mecs et l’oppression des femmes. Je consacrerais le mois qui vient à reprendre là ou je l’ai laissée mon autobiographie, au(x) chapitre(s) où je parle de mes amours et de mes familles. Je marcherai le long du fil du respect de la vie privée de mes épouses, et de mes enfants, mais je serai aussi transparent que possible sur ce qui me concerne.
Ceci expliqué, je pense que mon implication personnelle dans cette réflexion n’invalide pas son contenu, même en renforce le sérieux et l’efficacité.
En conclusion de ce rapide point de situation, je dirais qu’en tant que mec je ne peux que m’affirmer pro féministe (et non pas féministe), militant anti virilisme et pour l’égalité de droit et de fait entre tous les humains.
Merci !
Nos rédacteurs sont prévenus.